Promouvoir l’infidélité n’est pas interdit !
La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel de Paris d’avoir refusé de prononcer l’interdiction d’une campagne publicitaire du site de rencontres extraconjugales Gleeden.com. En 2015, la société éditrice du site avait lancé une campagne d’affichage sur les autobus, à Paris et en Île-de-France. Sur ces affiches figurait une pomme croquée accompagnée de la phrase de présentation suivante : « Le premier site de rencontres extraconjugales ». D’autres affiches ont été placardées dans les transports parisiens avec des slogans tels que « Tromper son mari, ce n’est pas la fin du monde », « Par principe, nous ne proposons pas de carte de fidélité » ou encore « C’est parfois en restant fidèle qu’on se trompe le plus ».
Aussi la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) a-t-elle assigné la société éditrice du site devant le tribunal de grande instance de Paris, afin de faire juger nuls pour cause illicite les contrats conclus entre la société et les utilisateurs du site et de voir interdire les publicités faisant référence à l’infidélité.
À l’appui de ses demandes, la CNAFC invoquait l’existence du devoir de fidélité entre époux (C. civ., art. 212) et le caractère illicite des contrats et activités reposant sur la violation de ce devoir. Sans succès. Les juges d’appel, notamment, ont estimé que l’adultère constitue une faute civile invocable uniquement par un des époux contre l’autre dans le cadre d’une procédure de divorce. Dès lors, encourager à la violation du devoir de fidélité ne saurait être une activité illicite, pas plus que faire la promotion de sites facilitant une telle violation. Interdire un tel message publicitaire serait d’ailleurs une « atteinte disproportionnée à la liberté d’expression qui occupe une place éminente dans une société démocratique ».
La Cour de cassation acquiesce : « Ayant ainsi fait ressortir l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère des relations entre époux, partant, l’absence d’interdiction légale de la promotion à des fins commerciales des rencontres extraconjugales, et, en tout état de cause, le caractère disproportionné de l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression que constituerait l’interdiction de la campagne publicitaire litigieuse, la cour d’appel a, par ces seuls motifs […] légalement justifié sa décision ».
Civ. 1re, 16 déc. 2020
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